Le 28-07-2007 • Pays : Mongolie
Acte
1. Scène 1. Tout commence soft par une rencontre avec un colonel en tong et en
short en train de jouer au billard. Un coup de fil du conseiller de l’ambassade
via son interprète et a priori, moyennant une leçon de morale, des regrets
exprimés et une amende évaluée à 40 000 Tugrug par personne, on devrait
pouvoir reprendre notre travail. J’appelle alors le conseiller pour lui dire
que les choses se règlent à l’amiable. Mais en fait, rien n’est réglé et
lorsque le chef colonel arrive, celui rencontré la veille par Yannick et le
chauffeur, la tension est palpable. On est reçu cette fois dans son bureau et
le ton est très offensif. Tuya m’exprime la grande fâcherie du colonel L.
B. Pas question d’accepter notre argent, il nous avait refusé la
permission d’y accéder hier et nous étions là pour une autre raison que la
recherche scientifique et ils sauront bientôt quoi… Pas possible d’en savoir
plus sur le coup mais nous sommes en fait soupçonnés d’espionnage ou de trafic
d’arme. Il ne veut pas nous laisser partir tant qu’un responsable de notre
entreprise ne viendra pas pour expliquer avec un interprète officiel notre
présence dans ce secteur…
Acte
1, Scène 2. Je rappelle alors le conseiller pour lui dire que les choses se
compliquent. Et commence alors une succession d’appels téléphoniques qui durera
à peu près une demi heure, il appelle, on l’appelle sur son portable, sur son
fixe, sur son téléphone-fax… Parmi ceux-ci, probablement un venant d’un
supérieur de l’armée qui lui demande de relâcher la pression et de trouver une issue
honorable pour tout le monde (j’avais presque le sentiment de comprendre le
mongol…). Au fur et à mesure, il enlève ses lunettes de soleil, se fait servir
un verre de lait de jument fermenté, sourit, me regarde, prend ma carte de
visite entre ses doigts et finalement me demande de m’asseoir près de lui afin
d’avoir un interprète officiel qui traduise mes réponses à ses questions.
Acte
1, Scène 3. Commence alors un trilogue surréaliste pendant lequel j’explique
que nous parcourons la Mongolie depuis 15 jours du Sud au Nord, que l’on étudie
les événements qui se sont produits à la limite Jurassique Crétacé, et que la
Mongolie est un territoire exceptionnel pour ce type d’étude. Que les études en
géologie nécessitent de constituer des équipes avec des représentants de
différents instituts. Que nous n’avions pas l’intention d’aller à l’encontre de
sa décision et que notre bonne foi est attestée par le fait que nous nous
sommes présentés de nous même à la ville de Tushig. Et que l’on regrette
vraiment d’avoir ainsi enfreint les règles de la Mongolie.
Epilogue
de l’acte 1 : le colonel se met devant la carte affichée au mur et nous
montre la limite de cette zone interdite (que rien ne marque sur le terrain au
demeurant…, aucun panneau, aucune barrière…). Et Tushig se trouve effectivement
à la limite de la zone interdite. On se rassoit à table et il me propose de me
servir en bombons dans la bonbonnière… Non merci, je prendrai juste un verre
d’eau…
Acte
2, Scène 1. Arrive en scène, E. A., senior officer, responsable de
l’immigration et des douanes à la gare de Suhbaatar. Il parle bien anglais et
est habilité à percevoir l’amende à laquelle on est revenue pour nous libérer.
Il me sort un papier en anglais qui explique qu’enfreindre les lois de
l’immigration coutait une amende de 100 000 à 1 000 000 Tugrug, soit de 60
à 600 €. Et il m’annonce la somme de 1 000 000 Tugrug pour tout le monde.
Je lui dit que nous n’avons que 500 000 Tugrug, ce sur quoi il me dit pas
de problème, faites vous transférer de l’argent de votre compagnie. A quoi je
réponds qu’il peut faire preuve d’une certaine souplesse vu notre bonne foi et
la finalité désintéressée de nos travaux, il descend alors à 800 000
Tugrug, en me disant que c’est l’amende minimale de 100 000 par personne
et quand je lui fais remarquer que seuls 7 passeports sont concernés, il
accepte finalement 700 000. Je tente de le faire encore baisser mais
abandonne rapidement la négociation, estimant ne pas avoir trop mal négocié.
Acte
2, scène 2. « Suivez-moi dans mon bureau pour établir les amendes ».
Je salue alors le colonel et vais avec le senior officer dans son bureau à la
gare. Il commence alors à photocopier passeports et visas pendant que Yannick
rassemble la somme de 700 000 Tugrug. Il me pose des questions sur notre
collègue qui est depuis un an, sur ce qu’il fait en Mongolie, pour qui il
travaille… La nature du minéral qu’il recherche étant stratégique, je l’informe
de ces questions et on arrivera à semer suffisamment de confusion entre les
failles de la limite Jurassique Crétacé, l’extinction des dinosaures, les
impacts de météorite et la signification des couleurs sur la carte géologique
pour que l’affaire soit classée sans suite…
Acte
2, scène 3. « Maintenant vous retournez à la caserne on va fouiller vos
véhicules ». « Ca va encore durer encore longtemps comme
ça ? » je me permets de lui demander. Il se marre : « non,
après vous êtes libres, on veut juste voir si vous transportez des
armes ». Ben tiens… On vide les deux voitures
derrière la caserne et la fouille commence. La valise de Gilles vidée… avec les
échantillons de roche et notamment de bois pétrifié. Il s’intéresse aux autres
échantillons et nous déclare que l’on n’a pas le droit de les emmener. Je lui
explique alors en lui jurant tous les saints que les douanes centrales doivent
donner leur avis avant toute sortie d’échantillons et qu’il n’a pas à
s’inquiéter, que tout sera fait suivant les règles. Il lâche alors le morceau,
comme si il avait décidé qu’il nous avait suffisamment taxé. Soudain un
cri : « chef venez voir » (je ne me rappelle plus l’intonation
en mongole…) : le fouilleur vient de tomber sur deux sets de boules de
pétanque. Alors, je ne résiste pas à l’anachronisme de lui proposer de faire
une partie avec moi… Ce que nous fîmes…
Epilogue
de l’acte 1. Finalement, il me demande combien de fois je suis venu en
Mongolie. Et si j’avais déjà eu des ennuis de ce type. « Généralement, ce
sont des problèmes de voiture, cette fois ce furent des problèmes de
frontières, on se reverra l’année prochaine et on ira faire un tour sur le
terrain, ensemble… »
On
quitte la ville à 15h00.